WEBZINE FEELING BLUES N°16

 

   CARREFOUR DES AMOUREUX DU BLUES DANS LE SUD

            Trimestriel

 

           juillet / août : septembre 2015

 

 

                                                                                         PAGE 3

 

 

 

1.  DOSSIER :

Personnages méconnus...mais impotants. par André Fanelli

 

2. ENTRETIEN :

Francis Vidal, Président de l'association "Allez les Filles" et organisateur du Festival Relâche par Gilbert Béreau.


Feeling Blues vous propose une série d'articles mettant en lumière le rôle parfois capital de ceux qui ont accompagné le développement du blues et ont parfois exercé une influence considérable sur cette musique.


Ces articles s'adressent prioritairement, non aux érudits de tout poil qui n'ont pas besoin de nous, mais aux nouveaux amateurs qui peuvent ainsi trouver de nouvelles pistes pour enrichir leur connaissance. Cela dans un esprit d'échange et de partage.

 

L'inventeur du Chicago Blues ?

Quand deux amateurs de blues se rencontrent et en viennent à parler du blues de Chicago, qu'ils l'adorent ou le méprisent, le plus souvent c'est de la musique de Muddy, du Wolf, de Little Walter qu'ils parlent... Pour la majorité du public ce sont ces artistes et leurs proches qui ont du créé le Chicago Blues et fait de cette ville -pour un temps- la Mecque du Blues.

En réalité, il n'en est rien. Mais pour en savoir plus il faut embarquer dans la machine à remonter le temps et mettre le cap sur les années 30. Ou, plus précisément vers 1922. A cette époque, deux frères créent à Chicago un petit magasin de musique écoulant partitions, cylindres pour pianos mécaniques, petits instruments et … disques 78 tours. L'activité est modeste car l'offre est elle-même limitée.
Mais voilà qu'arrivent à Chicago une floppée de musiciens néo-orléanais qui s'empressent de bouleverser le paysage musical. Les meilleurs jazzmen de la Nouvelle Orléans sont là, les Louis Armstrong, King Oliver et bien d'autres gravent des chefs d'œuvre et l'offre musicale prend une nouvelle dimension. Des marques comme Columbia, Victor, Gennett. Sont en plein essor.

 

 

Lester Melrose et Tampa Red.





Le temps est venu pour Lester Melrose, âgé de 35 ans, de prendre son envol. Il vend ses parts de l'affaire familiale à son frère Walter et se lance à l'assaut du monde musical chicagoan.
Nous sommes en 1926. L'aventure commence...assez mollement.
Mais, autour de 1928 une rencontre survient. Elle va changer beaucoup de choses. Lester devient proche de Georgia Tom Dorsey, pianiste et compositeur de première force aussi bien dans le blues que dans le gospel et de Tampa Red, le « magicien de la guitare », styliste de la slide et lui aussi compositeur.
Ils vont lui ouvrir les portes du monde du blues et le mettre en contact avec les musiciens et musiciennes qui résident dans la Windy City ou qui y séjournent souvent.

                    Lester Merose au centre, Willie Dixon à ses pied.

 

 

Dès lors, Lester va devenir le principal pourvoyeur des studios, proposant un ensemble d'artistes répondant à la demande croissante de la population noire.
Il déclarait lui-même « entre mars 1934 et février 1951, j'ai enregistré au moins 90 % de tous les « talents » actifs dans le rhythm and blues pour RCA Victor et pour Columbia Records ».


Et il rappelait qu'outre les Famous Hokum Boys et Big Bill Broonzy, il avait enregistré Washboard Sam, the Yas Yas Girl (Merline Johnson), Tampa Red, Lil Green, the Four Clefs, Big Boy Crudup, St, Louis Jimmy, Roosevelt Sykes, Memphis Minnie, Curtis Jones, the State Street Ramblers, Roy Palmer, Jimmy Yancey, Joe Williams, Walter Davis, Sonny Boy Williamson, Doctor Clayton, Lonnie Johnson, Peter Chatman (Memphis Slim), Tommy McClennan, Big Maceo Merriweather, Amos(Bumble Bee Slim) Easton, the Cats and the Fiddle, the Dixie Four, Leroy Carr, Junie Cobb, Lovin' Sam Theard, Jimmy Blythe, Victoria Spivey, Johnny Temple, Dorothy Donegan, the Big Three Trio (Leonard Caston, piano; Bernard Dennis or Ollie Crawford, guitar; Willie Dixon, bass), Jazz Gillum, et bien d'autres.



                                                                                                                                                                                                          Memphis Minnie

Sonny Boy et Big Bill



Le génie de Melrose fut de prendre conscience qu'il pouvait établir un genre musical, une image de marque, en favorisant des rencontres entre les musiciens, par exemple en faisant «tourner» les artistes qui passaient du rôle de leader à celui d'accompagnateurs. De véritables équipes se constituèrent. Tampa Red fit de son logement le lieu de rencontre du gratin du blues et il compta pour beaucoup dans la préparation des séances d'enregistrement. Peu à peu, un style prit forme et s'affirma.

 

 

Tampa Red. Photo Jacques Demêtre.



Notamment dans le catalogue de la firme Bluebird, filiale « bon marché » créée en 1933 par RCA Victor qui donna plus tard son nom au premier style de Chicago Blues.
Lester Melrose créa donc une musique mêlant les accents du blues down-home, le swing du jazz, l'originalité et souvent l'humour des paroles.
La production fut importante en quantité mais aussi en qualité et les chefs d'œuvre abondent.
Lester Melrose ne se contenait pas d'organiser des sessions avec des musiciens qui venaient à lui.
Il rappelait ainsi qu'il avait l'habitude de « visiter les clubs, tavernes et bistrots sur Chicago et les alentours » et qu'il visitait aussi «  les états du Sud pour dénicher des talents ».
Et de conclure que parfois il avait de la chance.
Cette chance lui évita quelquefois de gros ennuis.
Il lui arriva donc d'aller dans le Sud profond pour y dénicher des bluesmen qu'il voulait enregistrer.
Comme il le racontait lui-même ce n'était pas une bonne idée et , par exermple, il frôla la mort dans le Mississipi où il était parti en quête de Tommy McClennan: les blancs locaux n'avaient pas du tout apprécié qu'un Yankee viennent fricoter avec la population noire...

                                                                                                Tommy McClennan

 

Lester est mort en 1968. Certains lui reprochent de ne pas avoir négligé ses intérêts dans son rapport avec les artistes. Il s'arrogea, disent-ils, une bonne part des droits sur les compositions de ses poulains. Mais c'était de règle à l'époque y compris vis à vis de grands noms de la musique noire, Duke par exemple.

Bob Koester soulignait à ce propos dans une interview que les musiciens qu'il avait enregistré évoquaient son souvenir avec une «inhabituelle tendresse »...
Ce qui traduit somme toute la permanence d'une bonne image.

Je ne veux me souvenir que des merveilles qu'il a favorisées et qui nous restent pour illuminer nos journées...

Un dernier mot pour rappeler que la famille Melrose fut fortement liée à la musique. Ainsi, le frère cadet de Lester, Frank, fut un pianiste très actif qui grava d'ailleurs des faces pour le catalogue « race records » de Brunswick sous le pseudonyme de Kansas City Frank.
Big Bill Broonzy évoque son souvenir dans son autobiographie.
«Il existe quelques blancs qui savent jouer le blues, comme Frank Melrose par exemple. Ils fréquentent toujours les Noirs et jouent avec eux. Parfois nous autres, chanteurs de blues, nous les traitons de noirs et ça leur est égal.»

Alors pourquoi ne pas vous mettre en chasse ?
Pour vous allécher je vous donne quelques pistes...
Et à bientôt pour d'autres découvertes.

André Fanelli

 

 

 

QUELQUES FACES POUR VOUS OUVRIR l'APPETIT...

A vous de parcourir la toile...

Washboard Sam en 1931.


WASHBOARD SAM
Diggin' my potatoes
https://www.youtube.com/watch?v=XnxeyOV0u38

I've been treated wrong
https://www.youtube.com/watch?v=P_X0q22rELg


CASEY BILL WELDON
Guitar Swing
https://www.youtube.com/watch?v=KoKvdUbyALg

MEMPHIS MINNIE - CASEY BILL
https://www.youtube.com/watch?v=ICU6Vw-O_Ow

Hustlin' woman blues (1935 - avec un petit groupe comprenant notamment Black Bob au piano et Casey Bill Weldon à la guitare hawaïenne)
https://www.youtube.com/watch?v=YuIhtmm2DgA

TAMPA RED
It's hurts me too
https://www.youtube.com/watch?v=34VJzHT9nuk

et deux morceaux qui étaient chers à B.B.King.
Anna Lou
https://www.youtube.com/watch?v=34VJzHT9nuk

Sweet black angel
https://www.youtube.com/watch?v=sNLWmrjrwaE



 

 

 

De g à d, debout : Jazz Gillum, Tampa Red et Little Bill Gaither. Assis : Jack Dupree, Big Bill  et le chien de Tampa Red.



JAZZ GILLUM
Go back to the country
Un titre de 1946 (Bluebird) avec Big Bill à laguitare
https://www.youtube.com/watch?v=yGkKVljveD0

Key to the Highway
Par le compositeur de ceclassique avec Big Bill
https://www.youtube.com/watch?v=s4kO0OSI8kk

LIL GREEN
Country boy blues
Un morceau de 1941 avec un Big Bill superbe...
https://www.youtube.com/watch?v=btS-0JglyJg

SONNY BOY WILLIAMSON (N°1)
Good morning lttle schoolgirl
https://www.youtube.com/watch?v=WYYI5YjyWgw
I've been dealing with the devil (1940)
Avec le grand Joshua Altheimer qui fut peut-être le plus grand pianiste de blues
https://www.youtube.com/watch?v=YWOfpekExiw



A vous d'aller plus loin et si vous cherchez des infos complémentaires envoyez-nous un mail.

feelingblues@orange.fr

 

 



Nos lecteurs n'ont pas été sans remarquer le nombre de concerts présentés dans nos pages et initiés par l'association 'Allez les Filles'. Il s'agit de la plus importante association organisatrice de spectacles musicaux du grand Bordeaux avec de nombreux concerts présentés au 'Bootleg' et dans bien d'autres salles dans la ville elle-même, sans oublier la périphérie avec des lieux comme 'Le Rocher de Palmer', Eysines, etc.

Nous y consacrons un large espace dans ce numéro car l'évènement d'importance est le festival 'Relâche' qui, chaque année, propose près de vingt soirées de concerts entre mi-juin et mi-septembre en différents lieux de la cité. Nous n'oublierons pas les nombreuses 'Siestes soul' de début d'après-midi et les soirées 'Dancing in the street' animées par des DJs sur différentes places de la ville.

L'association a vu le jour en 1996 sous la houlette de Francis Vidal que nous visitons aujourd'hui.


                                                       Francis Vidal. Photo Jean-Pierre Vinel. 2015.

 

QAvant l'association 'Allez les Filles', il y avait probablement déjà un Francis passionné de musique ! Si tu me dis que tu étais ado en 96, je ne suis pas obligé de te croire ! Alors, ce parcours :


Je me suis intéressé sérieusement à la musique au milieu des 60's alors que j'avais une quinzaine d'années et j'ai commencé à être actif dans ce domaine vers les années 80, lorsque j'ai estimé avoir quelques connaissances sérieuses du monde musical qui m'intéressait. J'ai monté une association qui s'appelait 'Too much too soon' en référence à un LP de 74 des 'New York Dolls' alors que je bossais comme représentant de commerce. Puis j'ai vendu des disques, neufs et d'occases, aux puces de la place St Michel tout en participant à la nouvelle aventure des radios libres à partir de 81 et j'ai fini par ouvrir un magasin de disques qui s'appelait 'Trash' - encore un renvoi à un titre des 'New York Dolls'.

J'aimais la musique, j'avais une belle chaîne et des tonnes de disques, à partir de là, les connaissances te demandent de venir animer des anniversaires ou autres évènements festifs. Alors tu te mets à diffuser de la musique chez les particuliers, après c'est l'engrenage du bouche-à-oreille ; aujourd'hui, on parlerait de DJ, mais attention c'était gratos, juste pour le plaisir. Puis j'ai été programmateur dans des établissements musicaux comme 'Jimmy', la 'Rock School Barbey' ou la 'Nef' à Angoulême … Et en 96, ce fût l'aventure 'Allez les Filles'.

Candye Kane. Festival Relâche, le 12 juillet, Square Dom Bedos. Photo Gilbert Béreau. 2015.

 


QNous y reviendrons plus loin ! Aujourd'hui, ta passion, c'est le R&B de l'après-guerre, comment as-tu rencontré des dames comme Memphis Minnie ou Big Mama Thornton et des chanteurs comme Otis Blackwell, TV Slim ou Chuck Willis ?


Au début j'écoutais du rock anglais des 60's et mon premier album a été 'Autumn 66' du 'Spencer Davis Group' qui est essentiellement un LP de reprises ; bien sûr, ce n'est pas tout jeune ado que je me suis posé des questions sur l'origine des titres. J'ai cependant rapidement réalisé que ces chansons venaient du milieu de la musique noire et, un jour, à partir de cet album et d'autres, j'ai recherché les origines des titres. J'ai beaucoup lu, en particulier la prose du prolifique Kurt Mohr, je me suis rapidement intéressé à toutes les musiques afro-américaines puis j'ai essayé de redescendre les stades de son évolution. Cependant, ma profonde plongée dans les R&B ou le R' 'n' R' des 50's ne date que d'environ cinq ans, ou à peine plus.
Ceci dit, j'aime aussi le reggae et une certaine musique française.

 

                                                                                Francis Vidal en DJ Feelgood. Photo Jean-Pierre Vinel. 2015.         

 

QParlons de tes sessions en tant que DJ Feelgood. Pour les concerts 'Allez les Filles', tu diffuses entre les différents shows de la soirée … jusque-là, facile ! Mais tu as aussi proposé ta musique d'un autre âge dans le tramway ; vocation ? Et comment te sont venues ces idées ?


De l'idée que la Culture doit être dans la rue ! Alors, on a fait une proposition au service 'Développement Social Urbain' de la municipalité qui l'a acceptée ; au début je me baladais avec le matos dans un caddy et le public a rapidement été au rendez-vous. On doit d'ailleurs reprendre une nouvelle saison dès octobre !

 


Q :  Dans un bar d'un quartier populaire à la clientèle plutôt jeune, j'ai vu des ados se remuer, la mine réjouie, sur ta programmation, toujours cette musique née avec leurs grands-parents ; as-tu une analyse du phénomène ?


Je n'ai pas vraiment d'idée mais je sais que tous les jeunes n'aiment pas l'électro ! Et même des amateurs d'électro sont déjà venu me trouver pour me dire : “je n'écoute pas le même son que toi, mais j'adore ce que tu passes” (ils ne disent pas 'musique', ils disent 'son'). Peut-être s'agit-il d'un retour vers un besoin de mélodies ? Pareil pour ce troquet, le proprio m'a dit qu'on pouvait recommencer dès qu'on le voudrait.

Nina Attal. Festival Relâche, le 28 août, Square Dom Bedos. Photo Jean-Pierre Vinel. 2015.

 

 

Q : Revenons à 1996 et les fonts baptismaux pour 'Allez les Filles' ; y avait-t-il une raison particulière pour te pousser dans cette direction à ce moment ? Question subsidiaire, d'où vient le choix du nom de l'association ?

 
Je travaillais comme programmateur au 'Jimmy' et à la 'Rock School Barbey' et, avec quelques autres, je me barbais à Barbey. C'est avec un groupe de copines que l'idée a germé d'une association qui essayerait d'apporter un peu d'air frais dans les concerts. Ce fût 'Allez les Filles' en raison de l'inscription sur un de mes T-shirt qui avait un certain succès lorsque je le portais et, à ma seule exception, l'association démarra avec seulement des adhérentes. Les autres hommes ont été acceptés au tournant du siècle lorsqu'il a fallu transporter des objets lourds (rires).

 


Q : Peux-tu nous dresser un petit historique vous conduisant de débuts probablement peu aisés à une situation de reconnaissance par les autorités et le public ?


A grands pas, car je ne vis pas dans le passé. Entre 96 et 2000 nous avons organisé des petits concerts au Jimmy ou à Barbey, mais au rythme de 50 à 60 par an tout de même.
A partir de 2001, l'association a franchi un cap en se lançant dans les concerts plus importants et en écumant toutes les salles de Bordeaux et de la région. En dix-neuf ans, nous avons bien utilisé une quarantaine de lieux pour organiser nos spectacles ; malheureusement une majorité de ces établissements ont fermé.
Puis, il y a treize ans, l'idée m'est venue de nous lancer dans l'organisation de concerts en plein air. La première raison consistait à toujours rapprocher la musique de la rue, la seconde était d'obtenir une autonomie que tu ne peux avoir en salle louée, particulièrement au niveau des buvettes qui sont une source de revenus non négligeable pour les associations. On a fait une proposition à la municipalité d'Eysines, une banlieue bordelaise proche, puis inauguré 'Eysines goes soul' en tout début de l'été suivant sur le théâtre de verdure du domaine du Pinsan ; une réalisation pérenne. Après cette expérience, j'ai posé un autre regard sur la musique et ce fût l'organisation de 'Culture rock' durant trois ans ; des concerts et des expositions en rapport avec la musique sur une semaine ou deux mais en un seul lieu ; c'était l'ancêtre de 'Relâche' !

 

Sugaray Rayford. Festival Relâche, le 28 août, Square Dom Bedos. Photo Jean-Pierre Vinel 2015.

 

 

QComment fonctionne l'association aujourd'hui ? Quelle est sa structure ?


L'association compte environ 2000 adhérents à 10 € l'an et je suis le seul rescapé de l'équipe d'origine. Toutes les filles présentes à la création sont parties sous d'autres cieux, parfois assez loin et souvent dans le domaine de la culture.
Contrairement à ce que tous imaginent, je ne suis pas président de l'association ; nous avons une présidente et toute la structure nécessaire à la survie d'une association générant un chiffre d'affaire proche du demi-million.
J'ai deux casquettes, je suis un bénévole qui gère toute la programmation et je suis appointé pour les prestations de DJ de l'association via ma microentreprise.
Nous essayons toujours d'apporter la musique au plus grand nombre et notre dernière innovation est d'intervenir dans les écoles pour initiation des enfants à la musique et la danse en compagnie d'un instituteur ; c'est l'opération 'funky kids'.

QLe plat de résistance annuel est bien sûr le festival 'Relâche' ; mais combien de concerts organisés par l'association tout au long de l'année ? Et quelle est la tendance évolutive au cours des dernières années ?


Tout dépend des années et 'Allez les Filles' est habituée aux difficultés. En dehors de 'Relâche' nous organiserons au minimum une vingtaine de concerts cette année, évidemment dans plusieurs styles de musique. L'évolution notable a été l'arrêt des concerts de musique électro, d'abord par goût et ensuite pour des raisons de sécurité. Mon idée de base est de favoriser une autogestion de la sécurité de l'évènement par le public lui-même. Tu as vu toi-même que pour des concerts en extérieur où passent 3000 personnes et plus, il n'y a jamais de débordements importants malgré un service de sécurité minima. (rien de plus exact –NDLR)

Lisa & the Lips. Festival Relâche, le 24 juillet, Parc aux Angéliques. Photo Gilbert Béreau. 2015.

 

 

Q  : Peut-on dire qu'à Bordeaux et en dehors des salles spécialisées dont c'est la raison d'être, 'Allez les Filles' organise le plus grand nombre de concerts de l'année ?


Dixit la municipalité de Bordeaux : parmi les associations les moins subventionnées, nous sommes la plus importante association organisatrice d'évènements musicaux !!!

 


Q : As-tu des exemples qui te viennent à l'esprit à propos de concerts particulièrement exaltants ou au contraire, tout à fait déprimant ?


Tu sais, depuis le temps je suis habitué aux hauts et aux bas ! Alors concernant les déceptions je suis devenu philosophe … Par contre, côté bonheur, je suis toujours enthousiaste lorsque je vois Nikki Hill et j'ai eu une révélation lorsque j'ai programmé Elliot Murphy pour la première fois

 


Q : Nous sommes en plein festival 'Relâche' de l'été 2015 et c'est la sixième édition ; comment est né 'Relâche' et quelles furent les grandes étapes de mutations au cours de ces 6 ans ?


Toujours cette certitude que la Culture pour tous doit être dans la rue et gratuite et je t'ai déjà dit qu'on avait  organisé des concerts en plein air longtemps avant 'Relâche'. La première édition de ce festival a eu lieu sur plusieurs sites dont les quais, elle comptait cinq ou six concerts et le reste était meublé par des soirées 'Dancing in the street' avec moi-même comme DJ. Cette appellation a été choisie à cause de la chanson du même nom, si souvent chantée mais dans mon esprit en référence à la version de Martha & the Vandellas en 64.
Le succès auprès du public a permis de monter en puissance année après année et la présente édition est vraiment la plus dense avec près d'une vingtaine de concerts dont deux soirées décentralisées à La Rochelle et à Limoges, nouvelle découpe régionale oblige ... Cette année et probablement grâce aux cinq festivals précédents réussis, nous avons senti les autorités en confiance et tous les rapports ont été plus faciles.

                                                                                              Francis Vidal au Festival Relâche . Photo Jean-Pierre Vinel. 2015.

 

Q : Tant durant l'année que pour 'Relâche', la programmation couvre toutes les facettes de la musique populaire américaine et pas seulement tes styles préférés, blues, R&B ou rock and roll. Entre envies, opportunités, variété, difficultés, etc. quelles lignes président aux choix des artistes programmés ?


Pour satisfaire un public nombreux et divers, j'essaie de proposer une programmation variée mais toujours dans la sphère des musiques afro-américaines et je pense que c'est encore plus marqué cette année. Pour ce qui concerne les artistes étrangers, il faut bien tenir compte des tournées préparées par les boites de productions, connues sous le nom de 'tourneurs' (vocable plutôt laid lorsqu'il n'est pas associé aux derviches). C'est évidemment le seul moyen pour ne pas plomber le budget avec les coûts de transport. Mon soucis reste alors d'éviter de tourner en rond en offrant au public des artistes qu'il aime voir et revoir tout en évitant de les reprogrammer trop régulièrement – la quadrature du cercle.

                                               Nikki Hill, Festival Relâche, le 13 juillet, Square Dom Bedos. Photo Gilbert Béreau. 2015.

 


QConcernant plus particulièrement 'Relâche', disons qu'une programmation de qualité sur une multitude de lieux suppose un budget conséquent. La question indiscrète que j'ai entendue dans la bouche d'initiés aux choses du spectacle c'est : “Comment font-ils ?”. Peux-tu nous parler des entrées financières permettant l'équilibre ? 'Allez les Filles' as-t-elle un secret ?


Nous recevons peu d'aide eu égard à la taille du festival qui, tous types d'évènements confondus a déjà drainé environ 75 000 personnes et qui donc permet d'envisager de passer allègrement le cap des 100 000 d'ici le rideau final. Le budget nécessaire est légèrement supérieur à 200 000 € et nous en avons  reçu 30 000 de la communauté des communes, soit moins 5000 et 8000 de la municipalité, soit moins 7000. Pour être honnête, la mairie a tout de même augmenté la subvention de fonctionnement de l'association mais celle-ci n'est pas entièrement consacrée à 'Relâche'. Nous n'avons qu'un seul sponsor privé, le Crédit Mutuel, pour 5000 €. Donc pour retomber sur ses pattes il n'y a aucun secret, il faut simplement que les buvettes marchent bien et heureusement c'est le cas cette année. Donc pour pouvoir faire du gratuit, il faut jouer la quantité et multiplier les évènements ; si tu ne fais qu'une journée ou deux, que tu comptes sur les rentrées du bar et que le temps est maussade, c'est la catastrophe !
Il me faut aussi souligner l'importance d'avoir une armada de bénévoles, sans eux tu peux songer à plier boutique !

                                                 Francis Vidal et Gilbert Béreau. Festival Relâche. Photo Jean-Pierre Vinel. 2015.

 

QEn dehors des concerts dont nous parlons longuement dans ce même numéro, 'Relâche' présente des occasions de sorties appelées 'Sieste soul' et 'Dancing in the street' ; quels en sont les principes ? D'où viennent ces idées ? Qu'en est-il de la présence du public sur ces évènements ?


Comme l'indique le mot sieste, il s'agit d'évènements d'après-midi ! J'avais vu organiser des 'siestes électroniques' à Toulouse, j'ai alors pensé que la soul était un style de musique plus approprié à l'assoupissement. Nous les organisons dans des parcs, des jardins publics, les quais, c'est l'occasion de mêler musique et douceur de vivre ; à une soul, propice à la sieste, je rajoute quelques morceaux de cool jazz. Le public est très varié mais bien sûr ce n'est pas la fréquentation des concerts du soir ; à ces heures il y a ceux qui travaillent et les gens qui sont en congés sont souvent partis passer la journée à la plage. Mais par exemple au jardin public, on a bien eu près d'une centaine de personnes qui n'étaient peut-être pas toutes venues pour cela mais qui ont fini par se masser autour de la musique.
Les soirées 'Dancing in the street' existent depuis qu'existe 'Relâche' et c'est pour nous un moyen de faire danser les gens, ou de faire entendre un type de musique à un prix d'organisation raisonnable. Les gens sont de plus en plus demandeurs et cette année on a rajouté d'autres DJs hors de  l'association.

Q'Relâche' # 6 entame sa dernière ligne droite, as-tu des satisfactions ou bien des déceptions particulières ?


Plutôt des satisfactions puisque la fréquentation de l'an dernier est déjà dépassée. Pour ce qui est de l'analyse des concerts, j'ai encore trop la tête dans le guidon.

Q : Avant que de clore cet entretien, as-tu quelque chose qui te tiendrait à cœur de formuler ?


Pas vraiment et après cette longue discussion, j'ai la tête un peu vide.

 

 


La conclusion de 'Feelin' Blues'
Même si tous les concerts ne proposait pas mes musiques de prédilection, force est de reconnaître le professionnalisme de tous les musiciens et de constater que cette année encore, les bordelais ont eu droit à un festival exceptionnel. On ne peut que formuler le souhait de voir 'Relâche' se perpétuer et de souhaiter que l'inspiration de Francis fasse qu'il soit chaque année plus excitant.

 

 

Entretien réaliseé le 20 août 2015.

 

www.allezlesfilles.net

www.relache.fr

 

 

Voir les comptes-rendus des concerts "Relâche" en page 7 & 8 du présent numéro :

Page 7.

Page 8.

 

 

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