N°18
AVRIL . MAI . JUIN 2016
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RENCONTRES & ENTRETIENS
1. Rencontre avec Brigitte Charvolin, photographe, ou la passion du blues.... et du jazz, par André Fanelli.
2. Entretien avec Valérie Cegielski, présidente du Bagnols Blues Festival, par Jean-Louis Guinochet.
3. Entretien avec "Pierrot", fondateur de "Crazy Times Records", par Gilbert Béreau.
BRIGITTE CHARVOLIN
PHOTOGRAPHE
OU LA PASSION DU BLUES... ET DU JAZZ
Par André Fanelli
Il y a des visages que l'on voit et revoit sans cesse au gré des concerts, des bœufs, des animations de toutes sortes dès lors qu'on a
affaire à du blues ou du jazz. Pas n'importe quel jazz d'ailleurs.
J'ai l'impression d'avoir croisé Brigitte mille fois, son appareil à la main, en train d'essayer de capter la vérité des artistes que nous aimons tant.
On trouve dans ses photos une approche qui va à l'essentiel et qui s'accomplit pleinement quand il s'agit de portraits réalisés dans une ambiance décontractée. A la maison, au restaurant ou dans
le hall des hôtels, ou même en promenade. En « récréation » en fait.
Et lorsqu'il s'agit de la scène, toute la connaissance, si approfondie, de cette musique et de celles et ceux qui la jouent transparait dans le résultat.
André Fanelli > Chez toi l'amour du jazz et du blues a-t-il précédé celui de la photo ou au contraire étais-tu attirée par l'image avant de découvrir la musique ?
Brigitte Charvolin > Lequel a précédé l'autre ? Peut être la musique mais les deux ont grandi
ensemble. À la maison on écoutait du Jazz, beaucoup de Jazz, rien que du Jazz.
Par réaction j'avais décidé de détester cette musique et je refusais de suivre ma famille dans les festivals. Aprés quelques négociations , en 68, j'ai
pourtant accepté d'assister, à Juan les Pins, à deux concerts : Mahalia Jackson et le lendemain Count Basie... et bien sûr ce fut le déclic.
Peu après mes parents ont fondé le Hot Club d'Orange et commencé à organiser des concerts à Orange. Des tournées magnifiques, essentiellement les tournées Black & Blue. On ne remerciera jamais assez Jean Marie Monestier pour avoir fait venir tous ces musiciens en France.
Premier concert avec Buddy Tate et son Celibrity Club Orchestra, puis T Bone Walker avec Milt Buckner et Jo Jones, Charlie Shavers, John Lee Hooker... Big Joe Turner, Jimmy Witherspoon, Eddie Vinson, Lionel Hampton, Duke Ellington, Errol Garner, B B King, Albert King, Muddy Waters, Little Milton, Buddy Guy, Junior Wells, Albert Collins, Fats Domino... Gospel avec Liz Mc Comb, Jerome Jones et les incontournables tournées de Willy Leiser : Stars Of Faith, Davis Sisters, Barrett Sisters...
Parallèlement nous assistions à pas mal de concerts et festivals : Montreux, Nice, Bayonne, Villeneuve sur lot .
Ma mère avait toujours ressenti le besoin de garder témoignage de tous ces instants, de toutes ces rencontres avec les musiciens. Elle commandait des photos aux professionnels locaux
-l'un d'eux bon oeuil mais esprit farfelu oublia simplement de mettre une pellicule pour John Lee Hooker. Mon père filmait en super 8 et plus tard en 16mm. Nous avions tous des
appareils photos, nos premiers : un instamatic Kodak pour moi, un foca pour mon frère et un leica pour mes parents. Comme mon père avait installé une chambre noire j'ai assez rapidement
privilégié le blanc et noir.
J'envoyais mes tirages aux musiciens et à Hugues Panassié pour le bulletin du Hot Club.En 97, j'ai proposé mes photos à Jaques Périn qui a très gentiment accepté de les publier dans Soul
Bag.
Souvenirs, témoignages ? C'est rapidement devenu une évidence, une nécessité d'appuyer sur le déclencheur sans aucune prétention artistique.
A F > As-tu le souvenir de certains artistes qui ont été particulièrement "photogéniques" ou au contraire réticents ?
B C > Toute cette génération d'artistes était d'un contact simple et amical. Pas d'ego démesuré, de caprices de diva. Cela peut paraitre étonnant aujourd'hui mais ils remerciaient quand on les prenait en photo !
Sweets Edison prenait la pose avec une désinvolte élégance, Milt Buckner vous offrait son sourire le plus malicieux, Carrie Smith se prêtait à une séance en plein soleil, Linda Hopkins s'interrompait pour inciter les spectateurs à la photographier.
Le grand danseur Baby Laurence acceptait de se faire filmer par 40°, sur un bout de planche.
Ah, par contre le flash et Jo Jones, ce pouvait être violent. Il vous aurait tranché la tête d'un coup de cymbale, mais avec quelle classe !
A F > Tes photos sont de grande qualité. Quel type de matériel utilises-tu ?
B C > Après mon instamatic, j'ai eu un fuji avec un bon zoom sur les conseils de Jean Pierre Tahmazian (associé de Jean Marie Monestier
pour les disques Black & Blue et remarquable photographe).
C'est vrai que je n'aime pas me déplacer pendant les concerts. Je ne varie pas les angles de shoot, pas assez surement, mais la priorité est le plaisir de l'écoute.
Actuellement, j'utilise un Nikon D 800 avec un zoom 70-200 qui ouvre à 2,8. J'ai gardé mon D 700 avec un 24-85 pour éviter les changements d'optique dans les festivals en plein air.
A F > Au-delà des prises de vues des concerts eux-mêmes, pratiques-tu des prises de vue plus élaborées, portraits réalisés en "coopération" avec l'artiste ou "compositions" de groupe, etc ?
B C > Non, mes photos ne sont que des instantanés. Le portait posé demande un sens de la mise en scène et surtout une maitrise des éclairages que je ne possède pas. Dans le genre j'avais particulièrement aimé les portraits de Giuseppe Pino comme ceux d'Eddie Vinson sur la pochette du disque enregistré à Montreux. J'aime beaucoup aussi le travail de James Fraher.
A F > Il y a quelques années déjà, le travail du photographe était relativement facile et l'accès à la proximité des scènes ou du backstage était "ouvert". Est-ce que cela a changé ?
B C > Oh oui, cela à bien changé. Jusqu'au début des années 80, il n'y avait aucun problème, ni badge ni pass ni barrière ni interdit. A la belle époque de la Grande Parade de Nice, sous l'ère George Wein, on pouvait rencontrer les musiciens, diner avec eux, discuter backstage. On pouvait circuler en toute liberté appareil photo en bandoulière, sous le regard bienveillant de Jean Pierre Leloir et de David Redfern.
Maintenant sans l'aide et l'appui de Soul Bag il me serait impossible de faire des photos dans un festival. Certains festivals vont jusqu'à refuser les accréditations pour
réserver l'exclusivité à leur photographe officiel !
Et même si l'on obtient cette précieuse accréditation il arrive de plus en plus souvent que l'autorisation soit limitée aux 3 premiers morceaux.
Quel intérêt de faire tous les mêmes photos au moment le moins intéressant ? Et cette manière de chasser les photographes après 3 morceaux m'exaspère. Ou aller après ? Au fin fond de la
salle ? Au bar à l'entrée ? S'il est vraiment interdit de prendre des photos ne sommes nous pas assez responsables pour poser l'appareil photo ?
Je remercie Didier Tricard qui à Cognac m'avait permis de rester assise dans la fosse pour VOIR tout le concert B B King.
C'est étonnant que l'on ai pas davantage utilisé les talents de comédien de B.B.;il avait une présence, une manière de capter l'attention tout à fait exceptionnelles, un éventail
d' expressions à la fois naturelles et recherchées, inattendues et évidentes.
Dans la majorité des cas je pense que ce refus d'être photographié n'est pas la volonté des musiciens. Peut être celle des tourneurs qui croient valoriser l'image de leurs artistes. Une peur
de diffusion d'images volées, trop nombreuses ou ingrates ? Mais là il faudrait interdire les portables.
Volonté des organisateurs de festival de montrer que leur festival fait partie des grands festivals, avec gros service d'ordre, grand et sélect carré VIP ?
Un festival ne gagne pas à devenir top grand, il perd souvent son âme pour tomber dans le cercle infernal de la course au public, à la recherche du nom qui déplacera les foules et fera
plaisir aux sponsors.
Personnellement je n'éprouve aucun plaisir à aller dans un festival pour regarder les artistes, au fond de la salle, sur un écran video.
A F > As-tu eu l'occasion de faire des photos aux USA ?
B C > Nous sommes allés au festival de la Nouvelle Orleans en 86-87 et 88. A cette époque le festival avait encore une dimension humaine
et il était possible de rentrer avec un appareil photo.
Depuis 2005 nous allons à Chicago où grâce à Soul Bag j'ai une accréditation et un accueil des plus sympathiques.
C'est un vrai plaisir de faire des photos à Chicago : de bons musiciens, des scènes abordables et ...de la LUMIERE.
De la lumière et pas de ces éclairages pseudo artistiques avec des juxtapositions de gélatines multicolores, des nuages de fumées, des spots tournants aveuglant les
spectateurs.
Sur scène ce sont les les musiciens que je veux voir, pas des effets spéciaux .
A F > Comment as-tu vécu l'évolution de la musique que nous aimons ? Es-tu optimiste ou réservée quant à son avenir ?
B C > Triste évolution. J'ai parfois l'impression de me spécialiser à Soul Bag dans la rubrique nécrologie. Tant de grands musiciens sont
partis .
Malgré les Marquise Knox et Selwyn Birchwood, la relève est bien peu visible. Faute aux médias ? peut être, mais qui s'intéresse encore à la musique que nous aimons ?
Qui se déplace pour écouter le Clayton-Hamilton Big Band, les New Spirits, l'hommage à Fats Domino de Davell Crawford, et pire encore combien d'organisateurs les programment ?
Pourquoi cette avalanche de chanteuses blondes "Jazzy" -quel terme détestable - pourquoi le Blues est-il envahi de Guitars héros plus bruyants qu'inspirés, pourquoi les
batteurs deviennent tous de besogneux bucherons, pourquoi le Gospel se noie sous des flots de synthés ?
Il y a t-il un avenir, et sous quelle forme? Les supports changent et le téléchargement ne privilégie certainement pas les artistes que nous aimons.
Je ne suis pas optimiste mais je veux rester positive, il y a encore quelque bons moments à prendre et des musiciens à écouter et à soutenir.
Allons aux concerts et pour paraphraser Quentin Tarentino "Vive la musique".
A F < Merci Brigitte d'avoir bien voulu partager quelques souvenirs flamboyants avec nos lecteurs... et à bientôt... en festival ou en concert...
André Fanelli
VALÉRIE CEGIELSKI
BAGNOLS BLUES FESTIVAL
Par Jean-Louis Guinochet. Photos Alain Hiot.
L'ancien festival s'était arrêté durant sept ans après avoir été l'un des plus importants festivals de Blues en France.
Depuis 2013, Valérie Cegielski, présidente de l'association organisatrice, fait renaître ce festival avec des programmations de très belles qualités, rares et originales. Nous sommes allés à sa rencontre afin qu’elle nous fasse partager cette magnifique aventure.
Jean-Louis Guinochet < Bonjour Valérie. Pourquoi ce fantastique festival s’était arrêté et quel fut le déclic qui t’a décidé à le
faire renaître de ses cendres ?
Valérie Cegielski < Il est vrai que depuis son arrêt, le Mythique « Bagnols Blues Festival » avait laissé un grand vide
sur la scène musicale nationale. En effet, pendant près de 20 ans, Bagnols-sur-Cèze a été une ville d’accueil pour le Blues. Ce festival faisait de notre ville, pendant quelques jours, un haut
lieu du Blues et en promulguait les valeurs.
En 2012, née l’association « Keep On Bluesin’ » composée, soutenue et portée par une extraordinaire jeune et dynamique «Tribu» d’Amis; passionnés, nostalgiques ou doux rêveurs nous
avons alors tenté ce défi, ce pari un peu fou de le faire renaitre (à notre échelle) et de partager la magnifique aventure de ce festival.
En 2013, notre passion pour l’âme de cette
musique dans toute sa richesse, et sa diversité, notre détermination, notre volonté d'animer la ville qui vivait dans son souvenir et de diversifier l'offre "musicale" sur Bagnols et ses
alentours ; a été récompensée par la renaissance et la réussite de notre 1ère édition du Bagnols Blues Festival’ dans le très beau site du Théâtre de Verdure du Mont-Cotton.
Notre rêve
devint alors réalité !
Réussite aussi lors des 2 éditions suivantes en 2014 et 2015 qui ont été accueillies avec un vif enthousiasme ,
dans une ambiance toujours plus festive,
conviviale et chaleureuse.
J-L G < Comment fonctionne aujourd'hui l'association et comment est géré l'ensemble des bénévoles ?
V C < Bien, l'association fonctionne comme toute association (Bureau et Conseil d'Administration, adhérents bénévoles… et touti cuanti
).
Mais avant tout, c’est la motivation, l’enthousiasme, l’engagement, la détermination et la mise en avant des souhaits et des aptitudes, du savoir faire de chacun dans son « meilleur
rôle », ainsi qu’une une grande convivialité et une confiance sans faille, qui fait la force de notre Tribu.
J-L G < Quels problèmes majeurs rencontres-tu pour le financement d’une telle
« entreprise », dans une période actuellement aussi délicate ?
V C < Pour toute manifestation festive, le nerf de la guerre reste le financement.
Beaucoup trop de festivals connaissent hélas ce
même problème.
Mais dans un 1er temps, il faut avoir établi un budget prévisionnel solide & surtout réaliste et savoir rester modeste.
S’assurer de l’aimable collaboration de la
municipalité (autorisations diverses, appui logistique et bien sur… subvention hihi ! )
Se constituer assez tôt un préfinancement afin de pouvoir concrétiser nos contrats (acomptes artistes, frais de communications et autres prestataires etc…)
Essayer de trouver et fidéliser nos si précieux sponsors, nos partenaires et complices, auprès des entreprises et commerçants locaux déjà si souvent sollicités.
Et cette année, l’organisation du Tremplin pour le Printemps du Blues, du Vide-Grenier, ainsi que la souscription à un financement participatif ; nous ont permis de constituer cette
indispensable cagnotte.
En espérant un joli succès et du beau temps lors ce cette nouvelle édition 2016 qui nous permettrait de couvrir nos engagements et réaliser un petit fond de réserve !
J-L G < Tu entames la quatrième saison avec un programme aujourd’hui bouclé. As-tu des critères prédominants pour qu’une édition soit
réussie, ou des motivations particulières pour faire ces choix ?
V C < Toujours cette même motivation, ce même leitmotiv’, qui est de partager avec bonheur et simplicité notre passion pour un festival qui
continue à se jouer des mélanges pour encore plus d’émotions, de plaisir ; pour exhaler les multiples saveurs d’un Blues teinté de Soul, mâtiné de Rock, saupoudré de Funk !
Notre plaisir, notre volonté est de partager d’intenses émotions, de faire découvrir des univers inédits, de toucher aussi les plus jeunes afin de leur donner le goût pour le Blues bien sûr ;
mais aussi de pouvoir percevoir et apprécier toute l’étendue et l’infinie richesse de ses différents courants, issues de l’âme de la culture afro-américaine.
La programmation de cette 4ème édition vise à mettre en avant un vivier de musiciens blues talentueux de la scène régionale, nationale et internationale afin de satisfaire toutes les sensibilités
du public.
L’édition 2016 du Bagnols Blues Festival promet une fois encore, des moments de convivialité, de partage et de rencontre entre des artistes généreux et un public amateur de différentes couleurs
du BLUES.
Les concerts se dérouleront toujours sur 2 scènes :
La Scène du « Bayou » qui aura la chance d’accueillir les 2 très talentueux vainqueurs du 1er Tremplin Bagnols Blues : Big Fat Papa’z qui nous viennent de
Marseille et The Kid Colling Cartel du Luxembourg.
Et sur la « Grande scène », dans des styles musicaux très variés, se succèderont Vendredi 5 Août Space
Captains (Fr) , Ben Poole (UK) & Sugaray Rayford Blues Band (US) et le Samedi 6 Août, Stevie Nimmo (UK) , Kyla Brox
(UK) & Eugène Hideaway Bridges Blues Band (US).
Nous aurons donc la chance d’accueillir 4 très belles formations par soirée.
J-L G < Cette année un Tremplin Bagnols Blues 2016 a été organisé. Comment s’est-il déroulé ?
V C < Super bien !
Notre volonté était d’enrichir et diversifier le festival, en créant un tremplin dont le
vainqueur aurait l’opportunité de jouer lors du Festival.
L’idée étant de permettre à des formations de nouveaux talents, de se faire mieux connaître et surtout reconnaître.
Nous avons donc
lancé le projet et les inscriptions sur internet, puis présélectionné 4 supers groupes parmi les nombreuses maquettes audio et vidéos de talentueux artistes, que nous avions reçu.
La finale eut
lieu en live lors de notre soirée du « Printemps du Blues » qui a eu aussi la chance d’accueillir en seconde partie cette année, l’excellent groupe « Cotton Blues Band »
& Guest.
Bref, ce 1er tremplin fut une réussite ; tant en termes de com. et de petit plus pour notre cagnotte ; mais surtout grâce au talent, à la générosité, la gentillesse de tous
les artistes présents et à l’accueil enthousiaste du public, venu nombreux les encourager et se régaler !
Après délibération, Le jury n’a pu départager 2 des 4 excellentes
formations ;
Gagnantes ex-aequo, elles se produiront donc, les 5 et 6 Août à Bagnols.
Nous espérons bien pouvoir reconduire cette belle expérience artistique lors du prochain
«Printemps du Blues à Bagnols » 2017 !
J-L G < Les dieux du ciel et leurs caprices ne t’ont pas épargnée sur les deux éditions précédentes. Envisages-tu de mettre en place quelques protections scéniques supplémentaires pour 2016 ?
V C < Oui bien entendu, les protections scéniques ont été envisagées sous toutes les formes, en cas de mauvais
temps.
Cependant, des difficultés techniques et surtout la capacité de financement, ont rendu ce projet irréalisable.
Nous espérons avoir conjuré le mauvais sort ; les Dieux du Blues existent
bien, non ?
J-L G < Pour terminer, quel est ton meilleur souvenir depuis le début de cette aventure ?
V C < Ahah ah! Ben… y en a tout plein ! Déjà le seul fait de pouvoir faire perdurer ce rêve avec tout le bonheur qu’il m’apporte est une chance incroyable. Un seul ? Non, … je peux pas! C’est trop frustrant (rires) Trois, d’ac’ ? Promis, je vais essayer, pour une fois, d’être disons plus…synthétique, moins….bavarde. Go ! Le très bel esprit qui règne dans notre « tribu », leur enthousiasme qui me booste sans cesse, notre Amitié! Une fête so soo sooo magique, pour saluer un anniv’ de «quinqua » (rires). Et, la présence magnifique de JJ Thames, accompagnée par l’un de mes « granzamours », Vince, à la batterie… avec en toile de fond, les yeux de ma maman qui brillaient comme mille soleils…même sans « Bulles » ! (rires) Un vrai Bonheur !
J-L G < Merci pour nos lecteurs. Nous nous reverrons bien sûr en août à Bagnols.
V C < Merciiiii à vous de nous accorder votre précieux soutien et votre attention. Je suis très touchée.
Et, See you soon à Bagnols city les 5 & 6 Août pour la 4ème du Bagnols Blues Festival’ !
Par Jean-Louis Guinochet. Photos Alain Hiot.
CRAZY TIMES RECORDS
ENTRETIEN AVEC "PIERROT"
Par Gilbert Béreau
Voilà un nom qui n'éveillera peut-être pas tout de suite l'attention de tous nos lecteurs. Si je traduis par 'Pierrot', tous ceux qui fréquentent les festivals et qui vont chercher leur bonheur
dans les conventions du disque vont immédiatement mettre un visage sur ce patronyme et voir sa silhouette plutôt trapue, sa chevelure et sa moustache noire derrière un stand copieusement garni de
vinyles et de CDs.
Nous nous rencontrons donc assez souvent et le hasard fait qu'aujourd'hui est la seconde fois en un mois. Nous sommes à Attignat, banlieue de Bourg-en-Bresse, qui accueille la quatorzième édition
du festival 'Good rockin' tonight'.
Gilbert Béreau > Lorsque je viens sur tes stands, je vois du Rock and Roll, du R&B, du Blues, et donc plein de matériel
qui ne semble pas vraiment de ton âge … ou alors as-tu un secret de jouvence ?
Pierrot > Je suis né à Salon de Provence en 1969 de parents rapatriés et donc, j'ai connu mes émois d'adolescence au début des années 80,
entre autre pour ce qui concerne la musique. Mais mes goûts ne m'ont pas portés sur ce que diffusaient les médias de l'époque.
G B > On peut raisonnablement supposer qu'avant 'Crazy Times', il y avait déjà un Pierrot passionné de musique ?
P > Pas d'imprégnation familiale, mes parents n'écoutaient que peu de musique et elle n'était pas américaine. Par contre, j'avais un
copain dont le père avait connu l'époque dite 'des blousons noirs' du début des 60's et il avait une belle collection de disques. Nous avons regardé ces noms qui nous étaient totalement inconnus,
Eddie Cochran, Buddy Holly et surtout Gene Vincent, puis nous avons écouté, apprécié. Nous avons dû réveiller le virus endormi au fond de ces pochettes lequel nous a irrémédiablement
contaminés.
Certes, il n'y avait pas le web et les médias véhiculaient d'autres musiques, mais les amateurs ont connu un parcours somme toute tout à fait parallèle à celui des ados des 50/60's ; même bien
plus riche puisque ces années 80 furent celle de la renaissance de ces rythmes (revival, disent les spécialistes). Il y avait quantité de rééditions en Europe grâce surtout à l'Allemagne, aux
Pays bas et l'Angleterre, sans oublier des compilations d'artistes variés qui n'avaient encore jamais été édités en France et que nos aînés n'avaient jamais eu l'occasion d'apprécier.
On devient accroc et la curiosité aidant, on regarde les titres, puis les noms des compositeurs et on tire sur le fil pour remonter la pelote. Je me suis rapidement retrouvé à m'intéresser à la
musique country et au blues. En fait il m'a fallu très peu de temps pour passer de mes premiers émois du R' 'n' R' à l'écoute de Jimmie Rodgers et de Robert Johnson.
Je suis devenu amateur des musiques traditionnelles américaines qui vont de l'entre deux guerres à la fin de années 60. Dès le milieu des 80's j'ai commencé à faire des voyages en Angleterre et
en Hollande pour assister à des concerts avec des gens bien plus âgés que moi et qui connaissaient bien le sujet … bref la passion !
G B > De la passion pour des musiques à un métier, il y a un pas que beaucoup ne franchissent pas.
P > Cette passion m'a conduit à un peu négliger des études que j'ai arrêtées à seize ans. J'ai alors attaqué les petits boulots et
vers vingt berges je me suis retrouvé au chômage … que pourrais-je donc bien faire qui me plairait vraiment ? Déclic : la musique, les disques ! Je me suis mis à récupérer des albums et à
commencer les ventes sur des marchés. J'ai écumé ceux des Bouches du Rhône et du Vaucluse de 1990 à 97 et là, il n'était pas seulement question de musique américaine. Le public était varié et il
fallait bien faire bouillir la marmite, ce fût cependant très formateur pour la suite de ma carrière professionnelle.
C'était une vie bien dure et qui ne satisfaisait pas assez mes goûts pour la musique américaine, alors j'ai franchi le pas en 1995 et ouvert ma première boutique à Avignon, 'Crazy Times Music'
déjà. Puis ce fût un déménagement pour Lyon où j'ai tenu mon second magasin de 1997 à fin 2003. Là j'ai rapidement commencé la vente par correspondance et en 2000 j'ai ouvert mon premier site sur
Internet.
C'est pour des raisons familiales et le climat que je suis venu m'installer à Perpignan en 2004. Là, j'ai fortement développé le site internet et je me suis lancé à fond sur les bourses de
disques et les festivals de musique américaine. Voilà des occupations plus en rapport avec mes goûts musicaux et mes compétences même si c'est harassant en raison des quantités de kilomètres
parcourus. Perpignan est très excentré, par contre l'intérêt est la proximité avec les grands festivals de Catalogne.
G B > lorsqu'on te voit vivre ta passion et ton métier, si bien imbriqués l'un dans l'autre, la création de 'Crazy Times Records'
était le passage obligé.
P > C'est en 2008 que j'ai créé le label et j'ai commencé avec des artistes français de R' 'n' R', en particulier Al Willis et Las Vargas.
Mes dernières productions ont été plus R&B ou R' 'n' R' noir et ce fût l'avant-dernier album de Nico Duportal (Real rockin' papa), celui de T.Bo & the B. Boppers (Endless nights) et,
encore tout frais, l'anglais Jackson Sloan avec the Drew Davies Rhythm Combo (Postcard from Paris).
Parallèlement, j'ai commencé à rééditer des disques américains rares, pour l'instant des EPs vinyles des pionniers du R' 'n' R'. Dans ce domaine, mon but est de pouvoir proposer des rééditions de
titres que j'aime particulièrement et de faire plaisir à des collectionneurs qui ne peuvent plus trouver, ou se payer, des éditions originales. A ce sujet, nous ne partons pas des pochettes
d'anciens disques, généralement usées en leur centre, mais nous refaisons complètement des pochettes neuves à l'identique.
Bref, il y a eu des CDs, des vinyles, des compilations d'artistes variés et le catalogue approche doucement des 30 disques disponibles.
G B > Je suppose que tu as avancé quelques projets pour cette année
P > Certes oui, j'ai des projets pour au moins quatre rééditions en 25 cm et la production d'au moins deux albums d'artistes
d'aujourd'hui. Ceci dit, les choses murissent et il est trop tôt pour te donner des détails.
G B > Comment se lance-on dans la production de disque ?
P > Le choix des artistes est affaire d'opportunité mais encore bien plus de rencontres, particulièrement dans des festivals. Ainsi
c'est après avoir été enthousiasmé par leurs prestations en scène que j'ai proposé de faire un album ensemble à des Nico Duportal, T.Bo ou Jackson Sloan.
Je n'ai pas de studio mais j'en connais avec qui je peux travailler; cependant, je préfère laisser ce choix aux artistes. Je m'occupe des frais de production, des pochettes et de la distribution
en France et en Europe.
G B > Produire des disques, c'est ton plaisir, mais les vendre est une nécessité ! Nous avons fait la critique du CD de T.Bo
dans notre n° 15, celui de Jackson Sloan sera dans celui-ci ; comment nos lecteurs peuvent-ils se procurer une galette en dehors du site de 'Crazy Times' ?
P > Pour l'instant, les albums produits par 'Crazy Times' ne peuvent pas être commandés dans les rayons disques de la grandes
distribution, même celle qui, soit disant, bouillonne dans la culture. C'est un univers bien difficile à pénétrer et qui demande bien du travail pour une marge réduite en retour.
Par contre, ils sont disponibles sur la majorité des grandes plateformes du Net, y compris beaucoup de sites des grands labels européens (NdR : autant de noms que vous connaissez)
Avec le petit dernier de Jackson Sloan, nous avons inauguré la possibilité du téléchargement numérique.
G B > Entre la route pour être présent sur des dizaines de conventions et/ou de festivals, la production de disques, la pub, la vente via
le site, les expéditions, etc. je suppose que tu n'as pas toujours beaucoup de temps pour te poser et écouter de la musique. Reste les trajets, alors qu'écoutes-tu en ce moment ?
P > Lorsque j'ai un moment pour me poser, j'écoute beaucoup de 78 trs et également beaucoup de blues des années 40 à fin 50 avec une
prédilection pour la production de chez Excello Records.
J'écoute toujours du R' 'n' R' mais nettement moins que les décennies précédentes et aussi pas mal de musique country traditionnelle. D'ailleurs, je pense avoir été vacciné par l'aiguille du
phono de Jimmie Rodgers et, petite indiscrétion, j'ai appelé ma première fille Thelma car profondément imbibé par le premier 'Blue Yodel' de Jimmie Rodgers. Lorsque la seconde est arrivée
j'écoutais 'Blue Yodel # 2', beaucoup Little Richard et la guitare de B.B. King, elle fût donc tout naturellement prénommée Lucille !
NdR : Le 'Singing Brakeman,' comme on appelait J Rodgers, a enregistré 13 'Blue Yodels' à la fin de sa carrière, entre 1928 et 33. Il s'agit de titres au format des 12 temps du blues et l'artiste
jodle à la manière des Tyroliens entre les couplets. Le 'Blue Yodel # 1' est le célèbre "T for Texas" et parle de Thelma au premier couplet ; le 'Blue Yodel # 2' s'intitule "My lovin' gal,
Lucille".
G B > Plus d'un quart de siècle que tu réussis à vivre de la musique ; on a bien compris que les débuts ont été besogneux … et
aujourd'hui ?
P > Mon activité de disquaire me fait manger depuis des années mais des périodes ont été extrêmement dures qui, par exemple, m'ont
vu monter le stand dans un festival et dormir plusieurs nuits dans le véhicule. Aujourd'hui, et sans pour autant rouler sur l'or, ça va beaucoup mieux ; j'ai sélectionné les conventions et
festivals où je suis présent et mon entreprise a maintenant pignon sur rue. J'ai une clientèle fidèle, je peux acheter des collections ou des disques rares qui sont la clef pour la rentabilité de
ce type de commerce.
Côté label, certains disques se sont très correctement vendus, mais aujourd'hui, je ne pourrais pas me passer d'aucune de ces deux activités. D'ailleurs, c'est une question que tu me poses et qui
ne m'avait jamais effleuré l'esprit tant j'aime bien toutes mes occupations !
G B > Comment situes-tu 'Crazy Times' dans l'horizon musical français ?
P > Concernant 'Crazy Times records', on doit être trois labels de ce style dans l'hexagone et côté disquaire spécialisé nous devons
être 4 ou 5 à ce niveau. Ceci dit, je n'en tire aucune gloire particulière car chacun fait comme il aime ou comme il peut; simplement une petite satisfaction lorsque je réussis quelque chose.
G B > Et tes perspectives d'avenir …
P > Je continuerai le métier de disquaire comme aujourd'hui car j'ai besoin de cette ambiance, de cette chaleur, des copains. Ces
musiques populaires américaines ont créé une grande famille, on se connait plus ou moins bien mais dans tous les cas on sait qui est qui et nous avons plaisir à nous rencontrer en de trop rares
occasions cependant.
En ce qui concerne le label, je vais tâcher de passer la vitesse supérieure et essayer de produire de plus en plus ; tant en ce qui concerne les nouveautés que les rééditions. Mon objectif
pourrait être un disque par mois, mais il faudrait que je fasse moins de déplacements et un peu plus de bureau. Produire un album a un coût et plus de disques veut dire plus de temps consacré à
la promotion et la vente, à l'expédition. J'ai moins de problèmes avec les rééditions puisque l'artiste est décédé et a déjà un nom ! Mais ce n'est qu'une réédition et c'est bien moins jouissif
que d'être dans le studio à écouter l'enregistrement du morceau qui sera sur l'album que tu produits. Un autre grand plaisir est le conseil artistique pour le choix des morceaux et surtout
l'ordre des plages ; pour la réalisation des jaquettes ce qui suppose le choix des vêtements, les photos, les infos indispensables, bref, l'ambiance générale que doit dégager la galette
lorsqu'elle est prise en main.
G B > Avec un aussi ancien praticien du disque que toi, je ne peux éviter une question sur ton sentiment concernant le
renouveau du vinyle.
P > Je pense que pour une majorité ça fait partie de cette mode dite 'vintage' qui voit des jeunes avec la moustache type années 30,
le marcel et qui viennent acheter de tourne-disques en bakélite aux couleurs criardes. Pour eux, c'est probablement un objet de déco qui nécessite des vinyles, alors ils vont acheter
exclusivement des rééditions concernant les noms célèbres qu'ils écouteront peut-être un peu.
On peut simplement espérer que cette mode agira comme un déclic chez un petit nombre d'entre eux qui deviendront collectionneurs, donc découvreurs.
G B > Comme ton emploi du temps compte encore des trous, tu as encore une autre activité, certes moins prenante et moins
connue : la programmation de concerts ou de festivals.
P > Oui, ça m'arrive mais c'est une occupation strictement bénévole et à la demande d'associations. Soit j'agis en tant que
conseiller, soit je me charge du plateau en entier.
Et puisque tu veux vraiment tout savoir, j'organise aussi une bourse aux disques annuelle à Salon de Provence et ce, depuis 1989. Chaque année je fais venir un groupe de musique pour animer
l'évènement.
G B > As-tu quelque chose à rajouter qui te tienne à cœur ou une conclusion …
P > J'ai plein de projets mais je sais très bien que je n'en réaliserai qu'une infime partie. Actuellement je réfléchis à de belles
rééditions de gens que j'adore, en particulier Lightning Slim, Slim Harpo, etc... ; la quadrature du cercle est d'allier des choses qui semblent indispensables pour des aficionados mais qui
restent commercialement rentables.
Comme tu as pu le constater au cours de cet entretien, les journées sont longues et je n'arrive pas à les remplir (rires) ! Alors je joue un peu de piano et de guitare ; je prends des cours et
même des cours de solfège.
Felling Blues :
Toujours prêt à conseiller, voilà un homme avec une belle érudition sur la musique populaire américaine en général, bien évidemment sur les discographies et une vision générale des métiers en
relation avec la musique, celle avec un grand M
Je ne sais si Pierrot se souvient des sujets de ses rêves le matin au réveil, mais il est tout à fait certain que ses songes sont en rapport avec la musique … comment pourrait-il en être
autrement ?
Entretien réalisé par Gilbert Béreau en avril 2016.
Site de 'Crazy Times' : http://www.crazytimesmusic.com/
Nico Duportal (Crazy Times Records 2013) : https://www.youtube.com/watch?v=RKHRdkYZh0M
T Bo & The B Boppers (Crazy Times Records 2015) : https://www.youtube.com/watch?v=v-aL0KUIuTE
Jackson Sloan (Crazy Times Records 2016) : https://www.youtube.com/watch?v=rNW9fBbbcGU
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