N°18

AVRIL . MAI . JUIN  2016

PAGE 7


COMPTES-RENDUS DE CONCERTS

1. SOUL REV  +  FOOLISH KING  +  LEON NEWARS au "ROCHER DE PALMER" à CENON (33) le 2 avril 2016. Par Gilbert Béreau.

2. SEAN CARNEY & MATTHEW SKOLLER. BLUES AT THE JUKE JOINT #5 à CÉRONS (33) le 25 mars 2016. Par Gilbert Béreau.

3. RONNIE BAKER BROOKS au "ROCHER DE PALMER" à CENON (33) le 23 mars 2016. Par Gilbert Béreau.

 


SOUL REV + FOOLISH KING + LEON NEWARS

AU "ROCHER DE PALMER" À CENON (33)

LE SAMEDI 2 AVRIL 2016

Par Gilbert Béreau. Photos Jean-Pierre Vinel.

'La Route Production" est une jeune entité bordelaise créée il y a cinq ans et qui commence à avoir une belle écurie d'artistes du sud-ouest et d'au-delà en France. En cette soirée du samedi 2 avril, ils avaient monté une longue soirée appelée 'Kick off party' avec trois groupes maison pour fêter la sortie d'un nouvel EP pour deux d'entre eux. La soirée fût longue à se dessiner et à l'heure annoncée les rangs des spectateurs étaient clairsemés. Soudain, avec ce retard devenu une règle pour les jeunes se rendant au spectacle, les groupies de chacun des groupes ont surgi pour garnir copieusement la salle.

Soul Rev.
Soul Rev.

Le premier groupe à fouler la scène se nomme 'Soul Rev' et il s'agit d'un duo composé de gens se faisant appeler Brother Lion et Dreego faisant dans le rap, hip hop et autres musiques urbaines. Il s'agit de styles que j'entends mais que je ne parviens pas à écouter avec sérénité, je vais donc éviter de faire des commentaires malvenus ! Comme avait l'habitude de dire ma vieille maman : “Si tu n'aimes pas ça, n'en dégoute pas les autres”, dont acte ! Je note qu'il y a un public pour cela et que probablement des détails vous seront fournis dans une autre presse, blog ou réseaux sociaux.

 

Un court entracte avant d'accueillir le groupe 'Foolish King'. Les lecteurs de 'Feeling Blues' connaissent maintenant bien cette double paire de Charlie(s) et de Julien(s) complétée par un Victor … une main qui est devenue gagnante en peu de temps ! Afin d'éviter d'en agacer certains d'entre vous en répétant encore et encore, nous vous engageons à tourner les feuilles et à vous rendre en page 6 du n° 16 et/ou en page 7 du n° 17 pour tout connaître de ce groupe.

 

Charlie Dales
Charlie Dales

Ce soir la chanteuse Charlie est sexy en diable qui a revêtu un chemisier de ce beau rouge vif qui semble être sa couleur de prédilection, un court short noir et qui a choisi de laisser sa chevelure opulente voler au gré de ses pas de danse.

 

Après l'habituel instrumental d'ouverture, Julien Bouissou nous a présenté la soirée et parlé de leur nouvel EP avant que d'attaquer ce "No charity" qui est une de leur arme de guerre depuis longtemps et qui aujourd'hui va s'éterniser avec solo de batterie suivi d'une grosse partie de guitare de Charlie Dufau. Ce soir, tous les morceaux seront longs et donneront à chacun le temps de s'exprimer puisqu'aussi bien le groupe a tenu la scène bien plus d'une heure avec seulement une dizaine de morceaux.

Charlie Dufau
Charlie Dufau
Victor
Victor
Julien Bouissou
Julien Bouissou
Julien
Julien


Ils vont encore nous offrir leur vision de "Different stokes" emprunté à Syl Johnson avant de passer à ce fameux nouvel EP qu'ils vont déflorer avec "I wanna shout it loud". Un concert qui a énormément déménagé, Charlie Dales a montré une bien belle santé et a beaucoup sollicité cette voix qu'elle a puissante. Deux moments un peu plus calmes et ce sera "What a day" et "You left me on my own" avant de repartir sur des rythmes endiablés et de très longues versions. Ainsi "Make the good times come" commencé à cinq, continué à trois pour un long solo de guitare juste soutenu par basse et batterie avant  le retour de toute la troupe pour une longue partie instrumentale avant que ne reprenne le chant. Le concert aurait dû s'achever sur "Strange life" qui donne son titre à l'EP et qu'ils font sur scène depuis quelques temps déjà. Charlie termine le titre à genoux sur la scène en se tapant sur les cuisses avec un tambourin et le public est aux anges.

 


Ils en avaient tant fait pour remuer une audience relativement jeune qu'il eût été bien surprenant que les fans aient pu envisager un seul instant de les laisser partir ainsi ; il y aura donc un gros rappel sur deux titres "Love of wealth gospel" et "Hard to handle". Il m'étonnerait qu'ils n'aient pas apprécié la pause …

 

La troisième partie était confiée à un certain Leon Newars qui, pour le public du sud-ouest,  ne cache pas longtemps Vincent Pollet-Villard. Multi-instrumentiste qui vient de doubler la quarantaine, Vincent polit son clavier dans la seconde partie des 90's, passe du temps aux US et en particulier à la Nouvelle Orléans. C'est au tournant du siècle et la chevelure plus abondante qu'il emmène le groupe Mudzilla pour un répertoire mêlant toutes les influences qu'il avait rencontré là-bas.

Vinz et la section cuivres.
Vinz et la section cuivres.

 

En 2009, Mudzilla, l'écrevisse louisianaise, ayant reculé pour se planquer derrière un caillou, on a ensuite suivi Vinz, seul ou entouré de quelques amis musiciens. Et voici maintenant Leon Newars et si vous jouez avec les lettres de ce nom, vous allez pouvoir reformer ce 'New Orleans' si cher au cœur de Vincent. Un premier disque, 'The birth of Leon Newars' enregistré au Canada en 2012, une consécration avec un premier prix aux 'Cognac Blues Passions' en 2014 et le voici qui sévit avec le groupe "Ghost Band".

Le groupe.
Le groupe.

Ils sont là sur scène, entourant Vincent et qui se nomment Quentin Imola (guitare), Franck Bougier (trompette & trombone) et Guillaume Séné (saxos) constituent la section cuivre tandis que la section rythmique est confiée à Jonathan Joubert, dit Jay Jay, (basse) et Guillaume Pailhère (batterie).



Une courte intro assis et il se lève pour nous jouer du clavier debout ! Après un premier titre plus ancien, il attaque les titres du nouveau disque avec "Loose yourself" puis "Bunch of lies" et la section cuivre jongle entre trompette et trombone d'un côté et entre sax ténor et baryton de l'autre côté. Puis il nous fait part de son désarroi puisque le nouvel EP qui était une des deux raisons d'être de cette belle soirée n'est pas arrivé jusqu'à Bordeaux et poursuit sa ballade entre Allemagne et Pologne … bref, la cata pour un musicien !!!

Comme il faut bien faire 'contre mauvaise fortune, bon cœur', il reprend le chant avec un titre qu'il dédie aux victimes de toute les violences ; l'accompagnement est minimaliste et aux consonances un peu africaines, il m'a semblé qu'il avait appelé ça "Six feet down" … sans garantie. Extrait du nouveau disque on entendra "Hurricane", bien sûr en souvenir de la Nouvelle Orléans, mais plus tournée vers les humains que vers les évènements météorologiques. J'ai bien aimé la reprise de "Burnt toasts and black coffee" et on s'est dirigé vers la fin du show. Encore une fois, le public surchauffé ne voulait pas que tout ceci se termine et a réclamé à cors et à cris le retour des musiciens.

Ménageant ses effets, Vincent est d'abord revenu seul au piano, puis il fût rejoint par ses camarades pour "Time", un blues bien sympa qui a permis de bien apprécier la voix et la profondeur du son d'un sax baryton. Ils ont ensuite attaqué "Let my people sing", un titre plus ancien que Vincent termine 'a capella' avec le public.

Pour que la fête soit totale, Vinz appelle d'abord le duo de Soul Rev à remonter en scène puis tout le groupe Foolish King. Douze sur scène, il empoigne la guitare pour laisser son clavier à Julien et l'affaire se conclura sur un très très long "Rock steady", morceau de bravoure de Charlie Dales qui s'est défoncée les cordes vocales pour un public qui en voulait toujours plus. Une grande soirée de funk, soul, R&B, etc.

Gilbert Béreau. Photos Jean-Pierre Vinel.

 

FOOLISH KING

STRANGE LIFE

AUTOPRODUIT. JANVIER 2016.

 

1. Make the good times come
2. What a day
3. I wanna shout it loud
    4. What do you believe
    5. You left me on my own
    6. Strange life


Six compositions de nos gaillards pour ce qu'ils appellent fort modestement un EP. En fait voilà un disque qui dure 38 mn et j'ai tripoté quantité de CD, baptisés albums, qui offraient bien moins de musique !!! Bien évidemment, les plages sont celles citées ci-dessus lors du compte-rendu de présentation de ce que moi, j'appelle un album. Mes préférences sont bien sûr les mêmes et j'aime beaucoup "What a day", "You left me on my own" qui mettent en valeur la voix de Charlie et l'orgue de Julien. Reste le titre phare en dernière plage qui permet à tous les musiciens de briller et qui est annoncé pour durer près de 11:30. En fait il se termine au bout d'environ six minutes puis démarre un morceau caché, un instrumental bien sympa dans lequel l'orgue de Julien discute avec la guitare de Charlie pendant près de cinq minutes.
La galette a été enregistrée et mixée par Victor, le bassiste et le design de la jaquette a été confié à Charlie Dufau aussi bon avec un crayon qu'avec sa guitare ! Il m'avait déjà épaté avec la couverture d'un album franchement artisanal du trio 'Electric Boots' ;  mais là, avec couleurs, c'est très beau !


A se procurer à l'issue des concerts d'été ou sur le site du groupe qui vous est fourni ci-dessus.

Gilbert Béreau

 

 

LEON NEWARS

SOUL TALKING BUTT SHAKING MUSIC

LA ROUTE PRODUCTIONS. AVRIL 2016.

 

    1. Know better
2. Loose yourself

3. Hurricane
  4. Burnt toast and black coffee
    5. Hang over
    6. Bunch of lies
    7. No pain no gain


 

Nous sommes quelques jours après la fameuse soirée et … le disque est enfin disponible.
 27 minutes pour six compositions de Vinz et une reprise, le "Burnt toast and black coffee" de Shorty Long. Voilà un titre quand même bien funky comme toute l'œuvre de ce musicien qui n'était pas de la Nouvelle Orléans mais de la Motown à Detroit et qui disparut prématurément, victime d'un accident à 29 ans.
Le son est plein, on apprécie les cuivres, la voix et le métier de Vinz sont vraiment bien là. Mes préférences vont au titre de Shorty Long, à "Hang over" et à "No pain no gain".
Bien sûr, encore un album à acheter à la fin des concerts que Leon Newars animera tout au long de l'été ; les impatients peuvent contacter le site du musicien ou celui de 'la Route Productions', sites qui vous ont été donnés ci-dessus.

Gilbert Béreau

 

 


KOOL & PICKERS

SEAN CARNEY & MATTHEW SKOLLER

BLUES AT THE JUKE JOINT #5 À CÉRONS (33)

LE VENDREDI 25 MARS 2016.

Par Gilbert Béreau. Photos Gilbert Béreau.

Déjà la cinquième édition de cette soirée de blues en plein milieu des vignes de l'appellation 'Graves'. Une session au printemps, l'autre à l'automne et comme vous êtes fidèles et observateurs, vous avez remarqué que cette année l'édition de printemps était en avance de près d'un mois … comme nature et météo. La salle est correctement garnie à la grande satisfaction de l'association 'Blues Story' car rien n'était gagné lors du lancement de 2014. Mais Cérons est situé sur la 'Route 113' qui relie Bordeaux à Marseille et il est tout aussi facile de prendre son pied sur cette route que sur d'autres bien plus célèbres !

Lors de la session d'octobre dernier, nous vous disions le plaisir que nous avions pris à écouter le duo 'Kool & Pickers' qui, formé de deux guitaristes Patrick et David, n'ont pas choisi la facilité en se lançant dans le 'picking' après que le premier ait longtemps officié dans le blues le plus classique. Je ne vais pas vous répéter mon couplet sur blues et picking; il vous suffit de tourner délicatement les feuilles et de vous reporter en page 6 du n° 17.

L'an dernier, ce duo avait joué l'après-midi en salle ; depuis, leur répertoire s'est étoffé, ils ont gagné des galons dans des salles aquitaines et ce soir ils sont sur la scène pour assurer la première partie.

 

 

C'est avec "Windy and warm", un morceau très joué qu'ils attaquent leur prestation et un titre que nous devons à John D Loudermilk. Je vous livre ce nom en pâture pour vous inciter à vous pencher sur le cas de ce chanteur sans grand succès et complètement oublié mais compositeur prolifique qui a offert de grands tubes à bien des interprètes ; de "Sittin' in the balcony", premier succès d'Eddie Cochran en 57 à l'énorme "Tobacco road" chanté par la terre entière et que tout le monde connait et reconnait. Depuis les 70's, la place dévolue au 'picking' se rétrécit comme peau de chagrin et est largement occupée par des guitaristes folk ou country ; notre duo fera donc une part belle aux héros du genre que furent Merle Travis (Cannonball rag) ou Jerry Reed (Blue Finger). Mais lorsque de tels arrangements complexes vous font couler les notes du bonheur dans les oreilles, les styles musicaux n'ont plus de frontières !

Tellement vrai que nos deux gaillards vont nous prouver qu'il est possible, voire aisé pour eux, de 'picker' à peu près tout ! Ainsi entendra-t-on leurs versions de titres inattendus et par ordre chronologique, "Avalon" (music-hall du tout début du 20eme siècle), le "Georgia on my mind" cher à Ray Charles et plus près de nous, les popeux "With or without you" (U2) ou "Imagine". Un petit passage par du folklore sud-américain imprégné de classicisme (La Partida ; Choros) et comme on est en France, un petit hommage à Marcel Dadi.

 

Ce sera "Two days with Charlie" au milieu duquel ils ont fini par se perdre et c'est avec une jolie pirouette et de l'humour qu'ils vont repartir du bon doigt en expliquant qu'eux ont droit à l'erreur mais pas les pros qui vont suivre. Le public du blues leur a fait une belle ovation et a réclamé un rappel qui s'est fait sur un pot-pourri de Jerry Reed (Stumpwater/Jerry's breakdown). Car comme disait l'Autre, ce grand auteur souvent cité : “quand la musique est bonne … ”

 

Une courte pause car nos deux amis n'avaient aucun autre matériel que leur guitare respective et ce sera rapidement à Sean Carney d'assurer, en trio, la seconde partie. Sean nous apparaît en pleine force de la quarantaine, costard et lunettes noires, favoris et sourire inoxydable au coin des lèvres. Voici un garçon simple, agréable et qui, à l'évidence, sait savourer les joies du présent.

 

Bien sûr que depuis 2007 les fées du blues se sont penchées sur sa couche (voir à la fin 'en marge du concert') et que cela aide à apprécier la vie, mais peut-être est-ce aussi à cause de ce caractère qu'elles ne l'ont pas oublié dans leur distribution de bienfaits ??? Quelques années que je n'avais pas croisé la route de Sean Carney et, est-ce sa quarantaine ou l'âge qui fait défaillir ma mémoire, il m'a semblé avoir un peu forci et j'ai trouvé que la jolie mèche blanche qui orne le sommet de sa chevelure avait un peu grandie ??? Ceci étant, il est toujours aussi présent sur une scène qu'il investit seul avec sa guitare pour le classique "See see rider". Puis nous salueront l'entrée des musiciens et ce soir il est accompagné par une des sections rythmiques les plus célèbres de l'hexagone, la cheville ouvrière de 'L'étroit tour', j'ai nommé Fred Jouglas à la basse et Pascal Delmas derrière les fûts.

Pascal Delmas, Sean (de dos) et Fred Jouglas.
Pascal Delmas, Sean (de dos) et Fred Jouglas.

C'est avec l'instrumental "Brent's groove" qu'ils ont ouvert les hostilités, un titre du nouvel album encore chaud de Sean et il explique d'entrée qu'il compte présenter cette nouvelle production au public et chanter toutes les plages de ce disque dont il semble très fier. Les douze plages du CD ont été interprétées dans un ordre aléatoire et seul un titre ancien a été exhumé de la naphtaline, le bien sympa "Bad side baby" (de l'album 'Life to ease – 2006). Le public a été fort sensible à la mélodie et au 'jungle beat' de "If you see my baby", au musclé "Let me in" ou à la voix brillante dans "I'm a fool" au style très Chicago. Les solos de guitares sont longs et mélodieux et ne sacrifient pas souvent à la mode de la virtuosité gratuite ; le son est bon et permet d'apprécier une rythmique bien maîtrisée. Sean terminera sa prestation chaleureuse comme s'achève l'album, sur le très swinguant "Monday blues" sur lequel il s'est démené comme un beau diable pour la plus grande satisfaction de la salle.

 

L'audience est bien chaude et un certain nombre d'harmonicistes présents dans le public sont sur des charbons ardents lorsque notre trio appelle Matthew Skoller à venir compléter l'ensemble. Originaire de New York mais devenu pilier de la scène blues de Chicago à partir de 1987, Matthew est également une célébrité dans notre pays où il a passé beaucoup de temps et où il traine encore beaucoup ses santiags. Il était d'ailleurs en France à l'automne dernier pour participer à la tournée fêtant le centième anniversaire de la naissance de Muddy Waters (voir n° 17/p 6). Influencé par des monuments de l'harmonica tels que Walter Horton ou James Cotton, on retrouve vite Matthew derrière le gratin du blues de la cité venteuse et, entre autres, Koko Taylor, Jimmy Rogers, Big Daddy Kinsey ou Bernard Allison.

 

 

Petit bitos pour masquer une calvitie, jeans et gilet sur chemise brique, le voici en scène pour un instrumental et d'entrée, jaillit l'évidence de la maîtrise de son instrument. Il poursuivra avec "Get paid", une composition qui ouvre son dernier album déjà ancien (These kind of blues-2005). Puis, Matthew nous a parlé d'une composition d'un bluesman du Wisconsin auquel il tient à rendre hommage et se sera "You don't even know"; ce musicien de Milwaukee, c'est l'harmoniciste Jim Liban.

Et les morceaux vont s'enchaîner non sans que Matthew les fasse précéder d'un commentaire ou d'une courte présentation au public dans un français qu'il manie fort bien. Ainsi la reprise de "Windy city", composition de 2001, lui donnera l'occasion de parler de Chicago, de son surnom et de ce vent que les habitants nomment 'hock' (je ne garantis pas l'orthographe car il n'a pas épelé) ; vent peut-être, mais ce sera sur le tonnerre de la batterie de Pascal que s'achèvera le titre … Il citera aussi Jimmy Rogers avec qui il a un temps travaillé et à qui il veut rendre hommage, ce sera "The last time".

 

 


La voix est puissante, le soutien des musiciens parfait et la guitare de Sean fait merveille. Matthew utilise indifféremment son harmonica avec ou sans ampli et il va nous offrir une longue et superbe intro sur une version très enlevée du "Tell me Mama" de Little Walter. Puis, parmi les moments forts, il nous présentera l'instrumental "Blue lights" enregistré par le vieux Papa Lightfoot à la Nouvelle Orléans au tout début des 50's et qui sera suivi par "The devil ain't got no music" un titre dont Matthew nous dit qu'il l'avait composé pour son ami et guitariste Lurrie Bell en 2012.

 

Matthew et Sean sur le stand Feeling Blues.
Matthew et Sean sur le stand Feeling Blues.

Le public est aux anges jusqu'à ce moment que les spectateurs apprécient beaucoup moins : l'instant fatidique où les musiciens envisagent de se retirer ! Alors ce sera le rappel pour lequel Matthew exhume "To live your life like that", un vieux titre qu'il avait composé avec son frère guitariste Larry au tournant du siècle.
Quelques minutes plus tard, Matthew et Sean se retrouvent sur le stand 'Feeling Blues' pour vendre leurs CDs et pour une séance de dédicaces. L'association organisatrice de la soirée est aux anges et nous pouvons compter sur une nouvelle séance à l'automne prochain.

Texte et photos par Gilbert Béreau

 

Site de Sean : http://www.seancarneyblues.com/
Site de Matthew : http://matthewskoller.com/
Sean quelques jours plus tôt: https://www.youtube.com/watch?v=_Dq3nwzhbHE
Chez lui en janvier avec cuivres : https://www.youtube.com/watch?v=ijPIyXlub3E
Sean revisite un classique du rockab : https://www.youtube.com/watch?v=szvRXXl7d9k
Sean & Matthew quelques jours plus tôt :   

https://www.youtube.com/watch?v=V_03VBj3S3A
https://www.youtube.com/watch?v=rxQdkaKL-M0
https://www.youtube.com/watch?v=UqjeT18EMIE

 

 

 

 

SEAN CARNEY   
Throwback   
Nite Owlz Records. Janvier 2016

1. Blues & my baby
 2. If you see my baby 

3. Throwback 

4. Let me in
    5. Seasons of the blues
    6. Wrong side blues
    7. Brent's groove (inst.)
    8. Household name
    9. I'm a fool
    10. The rascal (inst.)
    11. What I need
    12. Monday blues


 

S'il n'est pas né au blues en cette fameuse année 2007 où lui et son groupe gagnèrent 'L'International Blues Challenge' de Memphis tandis que lui était attribué le prix 'Gibson du meilleur guitariste', c'est tout de même bien à ce moment que sa carrière a explosée. Issu d'une famille de musiciens de l'Ohio, il avait fait très tôt ses classes de guitariste auprès de Christine Kittrell, chanteuse noire de R&B originaire de Nashville mais qui s'était à moitié retirée à Columbus après une longue carrière de plus d'un demi-siècle. C'est grâce à C. Kittrell qu'il rencontrera une autre chanteuse noire de blues et R&B dont il deviendra le directeur musical, il s'agissait de Teeny Tucker native de l'Ohio et fille de Tommy Tucker, compositeur et créateur de l'énorme tube "Hi-heel sneakers".
Premier album en 1998 (Provisions) avec son compagnon de toujours, le batteur Eric Blume en compagnie de qui il a tenu la scène mais aussi accompagné quantité de chanteurs en besoin de musiciens. Infatigable défenseur du blues, ses activités ne se sont pas bornées à faire de la musique mais aussi à s'occuper des tâches associées, organisation de concerts, articles de presse, programme de radio et bien plus encore …
Toujours avec Eric Blume, il fonde le label 'Nite Owlz Records' en 2006 pour éditer 'Life to ease', leur premier CD autoproduit. Quatre albums plus tard, dont la réédition de celui de 98, voici son dernier bijou appelé 'Throwback' ; tout frais puisque mis dans les bacs fin janvier.
Le CD s'ouvre sur "Blues & my baby", un titre musclé dont il nous a dit durant le concert l'avoir écrit il y a huit ans sans jamais l'enregistrer. Tous les titres sont de la main de Sean, il en a composé une petite moitié seul et la grosse moitié avec son compère Eric Blume qui n'apparait pas en tant que musicien. Bien sûr l'accompagnement est plus fourni que sur la scène de ce soir avec présence de cuivres sur certains titres, cependant mes titres préférés restent ceux que j'ai cités pour la soirée. Quarante minutes de musique au travers de 12 titres dont deux instrumentaux (Brent's groove et The rascal), de superbes parties de guitare … que du bonheur !
Toujours empressé à contribuer à la qualité des productions de chanteuses noires aux grandes qualités vocales, Sean travaille aujourd'hui avec la chanteuse Shaun Booker. Ils seront de passage en France cet été et ils viennent de nous offrir un CD à voir dans les pages 'Albums à découvrir' de ce numéro.

Gilbert Béreau

 

En marge du concert : Matthew Skoller
L'actualité discographique de Matthew est à venir et il nous a annoncé un nouvel album pour la fin de mois de mai … nous allons surveiller.
Mais son actualité c'est aussi une petite entreprise familiale dont la vocation est la promotion aux US de ce breuvage divin qu'est le cognac. Son frère Larry fût le premier guitariste du 'Matthew Skoller Band', lequel groupe se produisait en 2001 au festival 'Cognac Blues Passions'. C'est là qu'insidieusement Cupidon mis la jolie Nadège sur le chemin de Larry qui, frappé en plein cœur, s'est installé et a fait souche en bord de Charente. Nos trois gaillards forment alors l'enseigne 'Family Tradition Cognac' et passionné, Matthew a inauguré des nuits 'Cognac and Blues ;  combien de telles nuits doivent être jouissives … mais bien évidemment avec toute la modération d'usage …

Gilbert Béreau

 


RONNIE BAKER BROOKS

AU "ROCHER DE PALMER" À CENON (33).

LE MERCREDI 23 MARS 2016.

Par Gilbert Béreau. Photos Thierry Dubuc.

 

'Feeling Blues' vous a déjà parlé de moult concerts ayant enflammé ce 'Rocher de Palmer' qu'il nous paraît naturel de situer à Bordeaux alors qu'il est posé sur les hauts de la commune de Cenon. Mais fin limier l'étranger qui, parcourant la rive droite du fleuve, sait exactement lorsqu'il passe de Bordeaux à Cenon, et vice versa … Imaginé par un architecte de renom, ce beau complexe à dimensions humaines est doté de 3 salles, respectivement 1200, 650 places et 'le salon des musiques' qui nous concerne aujourd'hui avec une jauge configurable de 200 places assisses ou 450 debout. A l'exception de variété 'gnangnan' laissée volontiers à d'autres salles de la ville et de l'agglo, le Rocher reste un établissement à vocation pluridisciplinaire mais sa programmation contient une part importante au jazz, blues, rythmes assimilés ou dérivés.

C'est avec une scène plongée dans une certaine obscurité que démarre la soirée et à peine distingue-on un grand escogriffe au look d'un chanteur de 'métal' à moitié dissimulé derrière une contrebasse. Sur fond de percussions, il 'slappe' comme un fou, chantant en anglais un répertoire revisité de blues et de rock 'n' roll. 'Damage Case' est le nom de scène de cet artiste solitaire qui est Julien Perugini à l'état civil et qui n'est pas toujours aussi esseulé. Né dans les 70's à Nanterre, il a passé une vingtaine d'années à accompagner à la basse des interprètes dans tous les genres musicaux et à promener sa belle contrebasse au sein d'un tas de groupes; dans notre région, il est allé du folk/country de "Cocktail Bananas" à l'influence jazzy de "Dasha Trio".

 

Il avoue que le projet 'Damage Case' est son histoire du rock 'n' roll et il puise dans le répertoire de vénérables anciens qu'il n'a pas connu (Gene Vincent, Eddie Cochran, Burnette Brothers …), dans celui de ceux qui ont pu bercer sa jeunesse (John Fogerty, Stray Cats, …) et jusqu'à ce que d'aucuns considèrent comme des renaissances: punk,  métal (et par ex. Mötorhead).

 

On a ainsi entendu "20th flight rock", "Going back home" ou "The day the world turn blue" mais il faut avouer que certains titres sont difficiles à reconnaître dans cette interprétation minimaliste. La formule solo, avec vocal, slapping basse et percu, n'apporte que peu de chose au véritable rock 'n' roll et devoir rester derrière un micro avec ce gros engin dans les bras n'aide pas à l'expression scénique - peu de solistes-contrebassistes dans le métier et je n'ai jamais vu Ray Campi sans musiciens derrière !

Des raisons techniques allongèrent l'entracte avant que ne monte en scène le très attendu Ronnie Baker Brooks et son trio de musiciens.

Ronnie et son groupe
Ronnie et son groupe


Il s'agit du fils aîné de Lonnie Brooks, ce louisianais qui, après avoir enregistré du R' 'n' R' dès 58, est devenu une légende du blues à Chicago durant près de trois décennies. Ronnie a intégré le groupe de papa avant sa vingtième année puis, dans la foulée, il a participé à la tournée du 20eme anniversaire du label Alligator aux côtés de Koko Taylor ou Little Ed. Le point de départ de sa carrière solo coïncide peu ou prou avec le retrait de son père de la scène musicale à la fin des 90's et sa discographie personnelle se limite à trois albums; plus d'enregistrements depuis bientôt dix ans … mais énormément de tournées.

 

Papa arborait un chapeau, Ronnie porte depuis longtemps casquette et aujourd'hui elle est blanche comme d'ailleurs le reste de sa tenue à l'exception d'un gilet brun. Il est accompagné par un trio de bons routiers du blues de Chicago composé de Daryl Coutts, (claviers), d'Ari Seder, venu à la basse et originellement guitariste de jazz et de Maurice Jones à la batterie aux curieuse cymbales doubles (voir photo). C'est avec "Pick powder" un blues-rock instrumental qui fût enregistré en 2001 qu'ils commencent à mettre le feu aux poudres, tant avec les parties de guitare que grâce à une large place prise par le clavier avec un Daryl qui fait aussi le spectacle.

Maurice Jones
Maurice Jones
Daryl Coutts
Daryl Coutts

 

C'est en émule de Berger et jouant du clavier debout qu'il continue dans la foulée pour un "Big leg woman" où Ronnie fait une grosse démo à la guitare. Les titres sont très longs, les musiciens prennent visiblement du plaisir à jouer et ainsi s'est poursuivi un spectacle où les blues lents succèdent aux titres endiablés. Au rang des premiers, un "See you hurt no more" sur lequel Ronnie peut exprimer toutes ses qualités vocales et dont il a chanté toute une partie sans micro ou "Times have changed" qu'il dédie aux victimes des attentats de Bruxelles et sur lequel on note un beau soutien aux claviers. Parmi les moments forts, notons l'interprétation de "Born in Chicago" qu'il termine sur ses imitations de Muddy Waters (sur I just want to make love to you), de John Lee Hooker (sur In the mood) et enfin de Howlin' Wolf.

 

Ronnie et Ari Seder.
Ronnie et Ari Seder.

Plus tard, il nous parlera de son célèbre père avant d'interpréter le "Superman lover" de Johnny Guitar Watson dont il nous dit qu'il était l'ami de Lonnie Brooks.
Le show tire à sa fin lorsqu'ils attaquent un interminable "Half", extrait de son dernier album (The Torch); un titre qui lui donna l'occasion de présenter chacun des musiciens au cours de l'exécution d'un long solo par chacun d'eux, en commençant par le pianiste.

Le rappel fût homérique avec un très long "Take me Witcha" aux accents berryesques et dont il fait répéter le titre au public tout en annonçant son désir de revenir à Bordeaux rapidement. Puis il part continuer de jouer assis sur une chaise piquée à un spectateur, avant de parcourir la salle durant un long solo qu'il finit debout sur une autre chaise entouré par les spectateurs. Voilà qui s'appelle “mettre le feu à une salle”. Et comme si de rien n'était, tout ce beau monde était disponible, cinq minutes plus tard, pour discuter avec les spectateurs. Bien sûr, il fera d'autres tournées en France, alors ne le ratez pas !

Gilbert Béreau. Photos Thierry Dubuc.

 

Petite indiscrétion en marge du concert :

Ronnie nous a indiqué qu'un nouvel album devrait intégrer les bacs des disquaires très rapidement ; surveillez bien vos points de vente !!!

Site de Damage Case

http://julienperugini.bandcamp.com/
Site de  Ronnie Baker Brooks :

http://www.ronniebakerbrooks.com/
L'an dernier aux US, les mêmes + cuivres : https://www.youtube.com/watch?v=iz0eNxaW4qY
En Belgique quelques jours plus tôt : https://www.youtube.com/watch?v=g2NgsOnJldM
A Marseille le lendemain :  

https://www.youtube.com/watch?v=ZFe2E5AFjkk
https://www.youtube.com/watch?v=n4aAjjkhlG4
Site de la salle de spectacle : http://lerocherdepalmer.fr/